Il est un peu plus de minuit. La musique de Bach s'élève, et brise le silence de la nuit. Je pense depuis longtemps que la nuit est le meilleur moment de la journée pour écouter de la musique. Dans le silence profond de cette phase nocturne de notre existence, dans cet envers de la vie, nous pouvons, enfin délivrés des contingences matérielles, laisser notre âme se reposer, méditer. Et pour cela, Johan Sebastien Bach peut être un ami fidèle qui nous accompagne dans nos méditations. Ce pauvre Johann Sebastian souffre d'une bien triste réputation. Pour beaucoup de personnes, son oeuvre évoque la musique classique dans ce qu'elle a de plus "classique", c'est-à-dire d'académique et d'ennuyeux. Moi même, je dois avouer que je mis beaucoup de temps, des années même, avant de pouvoir aimer la musique de Bach, lui préférant les romantiques ou bien des compositions plus "modernes" de Stravinsky ou Bartok. Mais petit à petit, cette musique, cette errance à travers les méandres de l'âme humaine, est parvenue jusqu'à moi, ou peut-être est-ce moi qui je suis allée vers lui. Mais j'ai eu besoin de médiateurs, comme Glenn Gould, Sviatoslav Richter, ou Gustav Leonhardt. Grâce à eux, j'ai pu apprendre à apprivoiser la musique de Bach, à pénètrer dans son monde, et à le faire mien.
Pour moi, la musique de Bach a la forme un escalier. Un immense escalier qui permet de descendre marche après marche dans les différents paliers de l'âme humaine. C'est une musique de l'intime. Une phrase très célèbre affirme que Dieu devrait remercier Bach, car il est preuve de l'existence de Dieu. C'est peut-être vrai, mais je trouve que c'est un peu injuste, et ce n'est pas rendre service à Bach que d'en donner une image aussi hiératique. Bach, c'est tout le contraire, c'est avant tout un homme libre. Et cette liberté, il la conquiert par une rigueur extrême. C'est d'ailleurs cet alliage paradoxal de liberté et de rigueur qui représente sa grande force. Par une exploration rigoureuse de l'existence humaine Bach conquiert la liberté. Et il descend alors, lentement, doucement, avec ses modulations, ses variations, le grand escalier de la vie, sans illusion sur la fin qui nous attend inévitablement, sans fuir les souffrances présentes attachées à notre condition, mais sans occulter non plus les joies de la vie sur terre. Il nous parle de nous, il nous aide à rentrer en nous afin de nous permettre d'y voir plus clair. Car Bach a bien compris que seule l'obscurité permet de voir la lumière. La pénombre de notre inconscient ainsi atteinte, nous pouvons alors contempler notre existence dans une éblouissante clarté. Cet escalier mélodique nous mène ainsi, de note en note, vers la vérité intérieure de l'âme humaine. Alors, peut être que les hommes aussi devraient remercier Bach, pour ce qu'il leur révèle sur eux-mêmes.
lundi, novembre 26, 2007
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