dimanche, octobre 12, 2008

Atropa, Guy Cassiers,

Atropa a été de loin la pièce que j'ai le plus apprécié du triptyque présenté par Guy Cassiers au Théâtre de la ville, mais c'est sans doute dû au fait qu'elle s'attache au sort des femmes en temps de guerre, et à leurs souffrances aux mains d'hommes cruels. En effet, Atropa nous montre Agamemnon entouré de ses victimes. Tout d'abord sa femme et sa fille, Clytemnestre et Iphigénie, puis Hélène, qui a servi de prétexte pour déclencher la guerre entre les Grecs et les Troyens, et enfin les Troyennes, Andromaque, Cassandre et Hécube. Ce dernier volet de la trilogie du pouvoir nous montre donc les atrocités commises au nom de la civilisation, l'auteur de la pièce, Tom Lannoye, faisant même reprendre à Agamemnon les discours de George Bush et de Donald Rumsfeld sur la guerre en Irak. Toutes les guerres se ressemblent, et rien n'a changé depuis les tragédies Grecques. La pièce est brutale, et même viscérale, d'une manière dont les deux autres pièces ne pouvaient l'être, les cinq héroïnes conjuguant leurs voix dans un cri déchirant de douleur. Car face à la logique implacable de la guerre qu'Agamemnon représente, ces cinq femmes opposent non seulement leur dignité, mais également leur courage, et leur profonde moralité.

mardi, octobre 07, 2008

Entre les murs, Laurent Cantet, 2008.

Les films français s'attachant à aborder les problèmes de la société actuelle sont trop rares pour qu'on puisse passer à côté d'Entre les murs, le dernier film de Laurent Cantet, qui après s'être penché sur la vie en usine, les angoisses du chômage, et le tourisme sexuel s'attaque à cet objet brûlant que représente l'école. Et l'on peut dire qu'il n'a pas raté son coup, car la palme d'or remise à Cannes a permis au film d'entrer dans la lumière et de lancer un débat sur l'avenir de l'éducation en France. Que l'on adore ou que l'on déteste le film, il faut reconnaître qu'il a fait couler beaucoup d'encre. Entre ceux qui pensent que le film est remarquable comme par exemple Thomas Sotinel dans le Monde et ceux qui trouvent que le film n'est qu'un ramassis de clichés, les opinions sont très tranchées et tendent parfois à oublier d'analyser le film pour ce qu'il est. 
Autant le dire d'emblée, je trouve que le professeur de français et héros du film est un mauvais professeur, car il tombe dans presque tous les pièges qui se présentent à lui. Il tombe dans le piège de l'affectif, ce qui l'entraîne sur un terrain miné où il ne peut qu'être perdant à la fin, et dans celui de vouloir trop improviser, tant et si bien qu'il finit par paraître mal préparé (notamment quand il admet en début d'année qu'il n'a pas encore choisi les oeuvres à faire étudier à ses élèves), qui sont à mon avis les erreurs de beaucoup de jeunes professeurs qui ne savent pas toujours quelle est la bonne attitude à avoir face aux élèves. Il paraît évident que ce professeur soit n'a pas de projet pédagogique, soit en a un qui est extrêmement flou, et que le film n'évite une conclusion qui sonne comme un amer constat d'échec. En effet, quand une élève vient l'aborder à la fin du dernier cours de l'année pour lui dire qu'elle n'a rien compris dans aucune matière, l'impuissance du professeur et son refus d'admettre son échec, ainsi que celui de tout un système, est flagrant. Cette faille au coeur du système, le désarroi de tant de professeurs déchirés entre des désirs contradictoires, y compris le mien pendant les quatre mois où j'ai enseigné dans un lycée du 19e arrondissement de Paris, sont présents tout au long du film. Comment trouver la bonne distance ? Comment parvenir à asseoir son autorité sans tomber dans l'autoritarisme ? Comment  construire une relation de confiance avec des adolescents qui résistent perpétuellement à tout et engagent souvent les professeurs dans un rapport de force où tout le monde est perdant au final ? Comment ne pas se laisser déstabiliser par la remise en cause perpétuelle de sa légitimité d'enseignant ? Comment réussir à transmettre son savoir et à faire progresser les élèves dans les meilleures conditions ? Comment ne pas se laisser envahir par la colère et le cynisme face aux murs de résistance présentés par les élèves ? Toutes ces questions sont dans le film, et ce n'est pas le moindre de ses mérites. Mais cependant, il ne faut pas oublier que ce n'est qu'un film avec des choix narratifs et filmiques qui ne permet que montrer qu'un aspect de la réalité, et le personnage de François Marin est loin d'être le professeur idéal que certains critiques et même le réalisateurs ont voulu faire le symbole. Ce qui m'intéresse dans ce personnage, c'est qu'il est pratiquement tout le montré sur le mode de l'imparfait, et que malgré sa volonté de bien faire il se trouve enfermé dans un système de pensée dont il n'arrive pas à sortir.
Par ailleurs, ce film d'une maîtrise remarquable dans sa mise en scène a aussi le mérite de nous présenter ce qu'est le chaos d'une classe avec ce que cela représente d'énergie vitale mais également de tensions et de violence latente. La caméra nous plonge dans la vie de cette classe, nous en montre les détails les plus infimes, filme les êtres au plus près, tout cela sans laisser une seule seconde l'impression de désordre ou d'absence de contrôle. Contrairement au personnage principal, Laurent Cantet maîtrise son sujet, pas l'école en soi, mais le réel. Filmer le réel, c'est bien l'art de Cantet. Capter des moments de vérité, la façon des corps de s'approprier l'espace, les rapports de force entre les êtres, la beauté et la laideur qui se cache en chacun de nous, utilisant pour ce fair la caméra comme chambre d'enregistrement.  Enfin de compte, Laurent Cantet a réalisé un grande ode optimiste sur le chaos de l'existence, une oeuvre en prise avec la réalité de notre société, une photographie d'un pays à un moment critique de son existence.

vendredi, octobre 03, 2008

Wolfskers, mise en scène de Guy Cassier, 2008

Trois hommes, enfermés dans des boîtes, enfermés dans leurs consciences. Trois dictateurs. Lénine, Hitler, Hirohito. Bien sûr ils ne se rencontreront jamais, ils ne feront que passer les uns à côté des autres. Sur la scène du théâtre de la ville, s'est ainsi déroulé un étrange spectacle montrant ces trois dictateurs, tous très différents, dans un moment d'intimité où il n'exercent pas le pouvoir, mais son plutôt prisonniers du pouvoir, et à la merci d'un entourage qui les manipule. Le malaise que l'on pouvait ressentir à la vision de la trilogie d'Alexandre Sokourov, qui a servie d'inspiration à cette pièce, est toujours présente. Car après tout, peut-on vraiment ressentir de la pitié, voire de la compassion, pour ces hommes qui ont conduit au massacre de millions d'autres hommes, de femmes et d'enfants ? Autant Hirohito peut attirer notre sympathie dans la mesure où ce n'est qu'un enfant incapable de vivre sa vie sans l'aide de ses serviteurs, passionné de botanique et de poésie, qui finit par se rendre compte des crimes auxquels il a participé, probablement sans s'en rendre compte puisque le pouvoir réel était aux mains de l'armée. Autant pour Lénine et surtout pour Hitler, j'ai trouvé plus difficile de pouvoir éprouver ne serait-ce que de la pitié pour ces personnages. Par contre, ce qui était passionnant, c'est le dispositif scénique avec l'utilisation d'images vidéos, de la musique et tout le travail purement plastique qui permet au réalisateur de dialoguer avec les films de Sokourov tout en gardant son originalité propre.